"Mon âme est encore là-bas": des ex-otages s'impatientent pour leurs proches encore captifs à Gaza
Pour Ilana Gritzewsky, otage libérée de Gaza il y a plus de 400 jours, le cauchemar n'est pas terminé. La jeune femme dit se battre pour le retour de son compagnon, Matan Zangauker, toujours captif à Gaza.
"Mon âme est toujours là-bas", dit à l'AFP Ilana Gritzewsky, 31 ans, libérée fin novembre 2023 lors de la seule trêve dans le territoire palestinien en guerre qui avait permis la libération de 105 otages.
Début décembre, le Hamas a diffusé une vidéo de son compagnon, qui avait été enlevé avec elle de leur maison du kibboutz Nir Oz, lors de l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien en Israël le 7 octobre 2023.
Ce jour-là, 251 personnes ont été enlevées. Parmi elles, 94 restent otages à Gaza, dont 34 ont été déclarées mortes par l'armée.
"Voir ces images (de Matan) m'a replongée dans la période de captivité", dit la jeune femme, évoquant "les cris, les voix, les odeurs, la peur et l’impuissance".
"Je suis libre depuis plus de 400 jours et ma situation de santé se détériore alors ceux qui sont encore à Gaza depuis plus de 460 jours, dans quel état sont-ils ?", se demande-t-elle.
Alors que les négociations indirectes entre le Hamas et Israël ont été relancées ces derniers jours pour la libération des otages encore détenus, des ex-otages s'impatientent pour leurs proches toujours en captivité.
Ilana Gritzewsky plaide pour un accord "immédiat" et rappelle que tous les otages sont des "cas humanitaires".
"Je suis brisée, mais j’ai vu mon compagnon vivant en vidéo il y a un mois. Si lui tient le coup en captivité, comment pourrais-je ne pas me lever chaque matin pour me battre pour lui ?", confie-t-elle.
La jeune femme, qui s'exprime rarement, a raconté à l'AFP les pires moments vécus aux mains de ses geôliers.
"J'ai perdu 11 kilos en captivité. J'ai aussi subi des abus. J'ai été brûlée, j'ai perdu une partie de mon audition du côté gauche, je me suis déboîtée la mâchoire. J'ai été victime de harcèlement sexuel lors de l'enlèvement (...) je continue d’en subir les conséquences. Pour l’instant, je ne peux pas commencer la rééducation", raconte la jeune femme, la voix tremblante.
- "Un enfer quotidien" -
Luis Har, bientôt 72 ans, a lui été libéré lors d'une opération de l'armée israélienne après 129 jours de captivité avec son beau-frère Fernando Merman.
Il dit se souvenir de chaque détail de son enlèvement d'une maison du kibboutz Nir Yitzhak avec quatre membres de la famille de sa compagne. Aujourd'hui, il affirme ne pas se permettre de baisser les bras car "il faut tous les libérer".
Il a repris une de ses activités favorites, la danse contemporaine, mais M. Har admet que son quotidien restera suspendu tant que tous les otages ne seront pas rentrés. C'est son "combat".
Il décrit à l'AFP ses mois de captivité dans la bande de Gaza, où il était détenu dans un appartement, contrairement à d'autres qui étaient retenus dans des tunnels, selon l'armée israélienne.
Il évoque ses larmes quand il pensait à ses enfants et à ses dix petits-enfants le soir avant de dormir, ses journées avec pour seul repas une pita partagée avec son beau-frère et ses geôliers menaçants. Pour lui, c'était "un enfer quotidien."
Quand des soldats israéliens l'ont sauvé, "c'était tellement émouvant". "Un soldat m'a dit à l'oreille +Luis, on est venus vous chercher+."
"Je ne suis plus le même homme mais maintenant, il faut s'occuper des autres et les ramener tous", affirme M. Har. "Il ne faut jamais se décourager."
"Je reste optimiste sinon je ne pourrais plus me lever le matin mais chaque échec des négociations me brise un peu plus", regrette de son côté Mme Gritzewsky.
Ce qu'elle veut maintenant, ce sont "des actes".
"On ne veut plus de promesses mais des actes et des pressions sur le Hamas et sur (le Premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu", dit-elle s'adressant aux dirigeants du monde, mentionnant en particulier le président-élu américain Donald Trump.
P.Lynch--IP