Coupe dans le budget sport: le gouvernement Bayrou se fait copieusement siffler
L'héritage, quel héritage? Six mois après la fin des Jeux de Paris, une nouvelle coupe dans le budget du sport, stoppée momentanément au Sénat, a fait autant hurler les stars, de Teddy Riner à Léon Marchand, que les instances, tel le comité olympique.
Le sport n'a eu de place que durant une trentaine de secondes mardi lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre François Bayrou, avec au final autant de millions supprimés. Le rabot est en effet passé sur le budget sport à hauteur de 34 millions d'euros, dans un amendement gouvernemental de dernière minute.
Cette nouvelle coupe dans un budget sport déjà rapetissé de plus d'une centaine de millions initialement a fait sérieusement grincer des dents, les acteurs du sport français craignant que le fameux "héritage olympique" ne passe à la trappe.
"Continuerons-nous la gueule de bois post-JO? Privilégions les efficaces ciseaux à l'aveugle tronçonneuse!", s'est insurgé jeudi soir sur X le vice-président de l'Association nationale des élus du sport (Andes), Vincent Saulnier. D'autant que les collectivités locales, premier financeur du sport en France, sont elles aussi mises au régime sec.
- "Du jamais vu" -
Ex-député spécialiste du sport, Régis Juanico (PS) a repris sa calculette. "J'ai refait les calculs, année par année, c'est du jamais vu! Le sport ne représente plus que 0,13% du budget total", a-t-il expliqué vendredi matin à l'AFP.
"Ce genre d'annonce discrédite la parole publique en matière de politique sportive", a taclé jeudi soir le sénateur PS Jean-Jacques Lozach, rejoint par le sénateur LR Michel Savin et le centriste Laurent Lafon.
"On nous a seriné pendant des mois que la France allait devenir une grande nation sportive et qu'il fallait mettre les moyens (...), et là on voit un coup de rabot et nous le déplorons", a lancé la sénatrice écologiste Mathilde Ollivier, ajoutant sa voix au tollé.
Bien consciente de devoir assumer un budget en baisse, comme son prédécesseur Gil Avérous, la nouvelle ministre Marie Barsacq assurait la semaine dernière que "rien n'était perdu" en terme d'héritage après la réussite des JO.
Elle était peu loquace jeudi soir pour ses premiers pas au Sénat.
La puissante FFF (foot), comme la fédé de hand, ont aussi protesté, de même que le comité olympique français. "Avec un tel budget des sports pour 2025, il n’y aura ni clubs supplémentaires, ni équipements accessibles, ni renforcement des encadrants sportifs. Nous ne pourrons maintenir l’élan suscité par Paris-2024", y compris sur les parasports, a déploré le CNOSF.
Plusieurs fédérations, comme celle du tennis de table, ont reçu après les JO un afflux d'adhérents et n'ont pas pu tous les accueillir.
Devenu héros national, le nageur Léon Marchand, qui avait déjà étrillé la réduction du dispositif de deux heures d'EPS en plus au collège, a continué de manier l'émoticône sur X avec des applaudissements pleins d'ironie.
Teddy Riner a aussi mis son poids dans la bataille: "Ne laissons pas cette flamme s’éteindre, elle est essentielle pour le futur!". Icône olympique, Marie-Jo Pérec y est aussi allée de son post Instagram.
- "Géant médiatique, nain budgétaire" -
L'ancienne ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, est montée au filet, toujours sur les réseaux sociaux: "inadmissible".
Le Sénat a donc entendu l'appel au secours du monde du sport en rejetant l'amendement et en piochant 80 millions d'euros dans le budget du SNU, service national universel décrié de toute part et au bord de l'enterrement.
"Le pire a été évité", souffle Régis Juanico, qui mise maintenant sur les députés.
L'idée est toujours de faire voter un amendement sur les taxes issues des paris sportifs, d'un peu plus d'une centaine de millions d'euros. Votée au Sénat lors du gouvernement Barnier, cette mesure semblait recueillir l'assentiment de plusieurs bords politiques. "En plus, il y a eu une explosion des mises l'an dernier", a fait valoir Régis Juanico.
Si Marie Barsacq connait bien l'écosystème du sport, elle ne connait pas celui des arbitrages de Bercy et n'a aucun relais politique. "Si vous n'avez pas de solides arguments, Bercy vous renvoie dans vos 22 mètres. Cela n'enlève rien à sa bonne volonté", dit M. Juanico.
Comme décryptait à l'AFP un conseiller sports de Matignon, il faut toujours batailler, car "si le sport est un géant médiatique, c'est un nain budgétaire".
T.Murray--IP